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les ascendants de la famille parrot-babin
14 décembre 2017

9 janvier 1871: la bataille de Chahaignes

La Bataille de Chahaignes

Par le cercle de généalogie de Chahaignes

 

Les registres d’état civil recèlent bien souvent des traces laissées par l’histoire. Ces témoignages sont très ténus, pour ne pas dire insignifiants mais ce sont, en l’occurrence, les cicatrices du passage de la guerre sur la commune de Chahaignes.

Nous sommes le 08 janvier 1871, il fait très froid en ce début de l’hiver qui s’annonce terrible. La France est en guerre contre la Prusse, et les nouvelles ne sont pas bonnes. Napoléon III a été fait prisonnier le 2 septembre précédent et le 4 la république a été proclamée. Il semblerait qu’il y ait eu un certain flottement au sein du conseil municipal de Chahaignes. Car si certaines communes délibèrent aussitôt la nouvelle connue, et reconnaissent le nouveau régime républicain, ce n’est pas le cas à Chahaignes.

Jules Favre, vice président du gouvernement de défense nationale et ministre des affaires étrangères a tenté de négocier, il a rencontré Bismark à Ferrières en Brie les 19 et 20 septembre mais la Prusse mène une guerre de conquête ; elle veut l’Alsace et la Lorraine, il n’y a pas de conciliation possible. Paris est assiégé. Les buts de guerre de Bismark sont de mettre l’armée française à genoux pour revenir à la table des négociations en position dominante.

Quelle est la stratégie du feldmaréchal Von Moltke ? Devant Orléans, Le prince Frédéric-Charles a battu le général Chanzy qui tentait de débloquer la capitale. Ensuite, l’objectif, c’est Le Mans où convergent les routes et les lignes de chemin de fer depuis le sud-ouest, l’ouest, la Bretagne et la Normandie. Prendre Le Mans c’est couper la France en deux et anéantir tout espoir de retournement de la situation militaire.

Chanzy a fait la même analyse ; c’est ce que relate Charles De Freycinet dans son rapport :

« On peut admettre que le prince Charles disposait pour l’attaque de cent cinquante mille hommes. Il résolut de les employer à s’emparer du Mans. Cette position était bien faite pour le tenter. Outre qu’elle a une valeur stratégique réelle, elle se trouvait depuis l’investissement de Paris, le nœud de toutes nos communications entre l’ouest, le nord et le midi de la France. Le Général Chanzy, de son côté, l’avait bien compris ainsi, car il s’était appliqué à la fortifier et avait admirablement disposé dans ce but une partie de son artillerie. »

Le prince Frédéric-Charles a fait route vers Saint-Calais. Cela se fait à la vitesse d’une armée en campagne, c’est à dire très lentement. (Orléans est repris le 7 décembre et ses troupes prennent  Montoire le 27). Quel est l’état de l’armée française ? Ce n’est pas la déroute mais elle a reçu un coup mortel à Sedan où toutes les meilleures unités les mieux équipées ont été anéanties. Il y a eu dans tout le pays un sursaut patriotique et républicain. Ce qui fait qu’ils sont plus de 500 000 hommes à combattre. Malheureusement ce sont des recrues de dernière minute, peu aguerris, mal armés, parfois pas armés du tout à l’instar des mobilisés bretons du camp de Conlie dans la Sarthe. Près de 40 000 hommes pataugent dans la boue, attendant leurs équipements et leurs armes qui arrivent au compte goutte, quand elles arrivent. Quoiqu’il en soit, les Français combattent pieds à pieds en reculant face à une armée supérieure dans tous les domaines. En nombre, en matériel, en organisation… Ces Français infligent même à l’ennemi de cuisants revers mais trop ponctuels pour être décisifs.

 

L’aile gauche du prince Frédéric-Charles est constituée du dixième corps d’armée commandé par le général Voigts-Rhetz et des première et sixième divisions de cavalerie. Il avance sur les deux rives du Loir. En face de lui, le général Barry se replie depuis Les Hermites jusqu’à Chahaignes où il établit son PC. Où ? On ne le sait pas avec précision mais une chose est sûre, il s’est rendu à la mairie Car, aussi surprenant que cela paraisse, il ne dispose pas de carte d’état major de la région. (Ce détail, à lui seul, pourrait faire l’objet de tout un article). Le temps est loin d’être clément. Après le froid intense qui régnait depuis décembre, (-18 le 21/12 à Chahaignes) un redoux s’est installé pendant deux ou trois jours, les hommes pataugent dans la boue et le 8, la neige et le froid sont revenus. On imagine sans peine la souffrance de ces hommes au milieu de ce bourbier glacé. Le 9 au soir il y a 40 cm de neige. Les cavaliers sont obligés de descendre pour mener leur monture en main. Le Général Voigts-Rhetz lui même se déplace assis sur une servante d’artillerie.

Ce dimanche 08 Janvier, Chanzy a envoyé l’amiral Jauréguiberry évaluer la situation. Dès son arrivée à Château du Loir il prend la mesure de la précarité des positions françaises. Les ordres généraux sont de retarder l’avance de l’ennemi  tout en favorisant le repli des forces sur Le Mans pour défendre coûte que coûte la capitale mancelle. La position de Chahaignes lui apparaît vite comme essentielle pour couvrir la retraite de la deuxième division du Général Barry. Ce même 08 Janvier à onze heures, les Prussiens entrent dans Pont de Braye qui n’est pas défendu (au grand dam du général en chef). Le huitième régiment de mobiles de la Charente inférieure recule entre Sougé et Ruillé en combattant. L’amiral envoie en renfort à Chahaignes le Lieutenant colonel Roud (ou Roux ?) avec un bataillon et de l’artillerie qu’il dispose au Pressoir. Le lieutenant-colonel Noirtin avec le huitième mobile quitte Ruillé vers 14 H. Il arrive à Chahaignes avant la nuit. De son côté le colonel Bérard a quitte La Chartre vers Château. Le soir du 08, les Prussiens sont à Lhomme. Les ordres sont donnés : Chahaignes doit tenir le plus longtemps possible.

 

Le général Chanzy

CHANZY5

 

Une grand’garde(1) du 66ème mobile est postée au moulin de Saint Blaise. Le 3ème bataillon du 31ème de Marche est déployé du Gué de la Pointe au Présidial ; une compagnie occupe Bénéhard(2) et le 2ème bataillon du 31ème tient les hauteurs entre le Haut-Perray et le bourg de Chahaignes. L’artillerie est placée entre le Pressoir et le Haut-Perray et fait les abatis pour couvrir la route du Mans et la route de Lhomme à Chahaignes. Toute la nuit, on tire au moulin de Saint Blaise.

Le 09 au matin des colonnes prussiennes débouchent depuis Ruillé vers Brives et Saint Pierre du Lorouër. Elles sont accueillies par un feu violent de toutes les pièces d’artillerie et de mitrailleuses qui les arrêtent. Le général Von Woyna envoie à Lhomme de l’artillerie qui canarde le Pressoir et le Présidial mais aussi Jupilles et le ravin de Chahaignes où il pense que les Français se sont regroupés.

La fusillade a commencé sur tout le front. L’ennemi arrive à passer la Veuve(3) entre Saint Blaise et Bénéhard. Il pousse son avantage par le Présidial et le Petit-Pin. Il est armé de pièces de montagne, canons courts de petit calibre qui tirent à mitraille. Ces armes font de gros dégâts parmi nos rangs et la forêt de Bersay(4) est vite atteinte à Chanteloup. Les artilleurs du Pressoir ont tout juste le temps de se replier. Ils sont couverts par une compagnie du 31ème de marche qui se sacrifie pour que les pièces ne tombent pas aux mains de l’ennemi. Dès le début de l’après midi, nos troupes pressées par le nombre, reculent, à droite vers Flée et à gauche vers Jupilles. Pendant ce temps, le colonel Bayle arrive de Saint Pierre du Lorouër avec le 38ème de Marche et le 66ème Mobile, à Brives, il se heurte de front avec les colonnes de Von Woyna qui remontent la vallée de la Veuve et leur tient tête toute la journée. Il ne renonce à la lutte que lorsqu’il apprend qu’on se retire. Vers 18h30 le colonel Von Valentini atteint Saint Pierre.
La nuit venue, l’heure est au bilan. Il n’est pas brillant. Chahaignes est pris, les Allemands avancent vers le Grand-Lucé et Parigné. Il faut préciser que la supériorité numérique des Prussiens était écrasante : 10 000 hommes contre 3000 du côté Français. L’artillerie du pressoir ne comptait que 4 canons et deux mitrailleuses.

Le prix de la défaite est lourd, on a perdu 12 officiers tués et 350 hommes tués ou blessés ou disparus. Certains seraient tentés de croire que les disparus étaient des déserteurs. Ce serait faire un anachronisme de comparer la situation à la débâcle de 1940. D’une part, il y avait dans la troupe un fort sentiment patriotique et républicain et d’autre part la discipline était des plus sévère et les déserteurs étaient fusillés immédiatement sur le front des troupes et l’on est en droit de penser que le nombre de déserteurs était très minime. Sans compter ceux qui étaient faits prisonniers par l’ennemi (le feldmaréchal Von Moltke en mentionne 100 dans ses mémoires).  De plus, et l’on rejoint ici les travaux de généalogie, les morts et les blessés étaient, dans la mesure du possible recueillis par les ambulances et les médecins-officiers établissaient pour chaque décès un acte d’état civil. Leur décompte était communiqué au général en chef. Les morts laissés sur le terrain étaient comptés comme disparus ; et ces disparus, on les retrouve où ??? … Dans les registres de la mairie de Chahaignes et de Saint Pierre du Lorouër. Ils sont 10 (ou peut-être 11) à Chahaignes et 4 à Saint Pierre et peut-être faut il compter ceux que l’on retrouve morts dans la semaine à la providence de Ruillé(5) ou à La Chartre et même à l’hôpital de Château. Ajoutons un dernier point, technique celui là : les officiers supérieurs regroupaient intentionnellement les tués, les blessés et les disparus, parce que pour eux, c’étaient des hommes hors de combat, mais aussi pour ne pas décourager l’arrière que le nombre de morts pouvait effrayer.

La bataille de Chahaignes ne fut pas d’une très grande importance d’un point de vue stratégique ni très glorieuse d’un point de vue militaire. Ce fut tout juste un épisode latéral de la bataille du Mans, elle même largement ignorée des Sarthois. J’ai résumé le récit du général Chanzy et des divers témoins. Le lecteur aura sans doute reconnu quelques noms de lieux-dits qui lui sont familiers et peut-être sera-t-il surpris d’imaginer que l’on tirait au canon en ces endroits il y a 147 ans.

Notes :

1/ Grand’garde : Dans le langage militaire il s’agit d’une petite unité laissée en avant poste pour avertir d’une attaque et retarder l’ennemi dans la mesure de ses possibilités.

2/ Bénéhard : Chanzy dans son rapport l’appelle Benchard ; à l’époque tous les documents ou presque étaient écrits à la main. Il s’agit sans aucun doute d’une erreur de lecture.

3/ Veuve : Chanzy dans son rapport l’appelle la Venne, même remarque que précédemment.

4/ Bersay : orthographe de l’époque.

5/ Par exemple le capitaine Blay mentionné comme tué à Chahaignes et que l’on retrouve le 10, mort à la Providence de Ruillé. Ce capitaine était sous la menace d’une inculpation d’abandon de poste face à l’ennemi le 1er décembre précédent. Il semblerait qu’il ait récidivé à Ruillé lorsqu’une balle (Française ?) dans le ventre, mit fin à sa fuite au hameau de la Goussardière. Le cas de ce capitaine est controversé et mériterait à lui seul un article.

Bibliographie :

Général Chanzy, « LA DEUXIEME ARMEE DE LA LOIRE » Plon 1871 7ème édition 1876

Charles de Freycinet, »La guerre en province 1870-1871 » Levy Frères 1871 5ème édition

Frédéric Beauchef, «  1871, Le Mans une bataille oubliée » Libra diffusio 2010

Maréchal Comte Von Moltke, « mémoires » 1891 8ème édition

Lieutenant Vignolle, « Histoire du 8ème régiment de Mobiles » Gounouilhou 1872

Chef de bataillon Fradet , « Campagne de 1870-1871 » thèze 1871

Registre d’état civil de :

Chahaignes (microfilm) 5 MI 54_21

Saint Pierre du Lorouër 5 MI 347_16-18

Ruillé 5MI 281_18-19

 

 

l'amiral Jauréguiberry

Amiral Jaureguiberry

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